LCB-FT : Un impératif renforcé pour l'intégrité financière
Qui sont les professionnels assujettis ?
Les professionnels du secteur financier qui concentre l’essentiel des risques de blanchiment de capitaux :
- Le secteur bancaire (établissements de crédit, prestataires de services d’investissement « PSI ») ;
- Le secteur de l’assurance (organismes d’assurance, institutions de prévoyance et de retraite, mutuelles, courtiers) ;
- Le secteur des paiements (établissements de paiement (« EP ») et de monnaie électronique (« EME »), changeurs manuels) ;
- Le secteur de la finance (sociétés de gestion, prestataire de services sur actifs numériques « PSAN », conseillers en investissements financiers « CIF »).
- Les professionnels du droit (avocats, notaires, commissaires de justice, administrateurs et mandataires judiciaires) ;
- Les professionnels du chiffre (experts-comptables, commissaires aux comptes) ;
- Les professionnels de l’immobilier (agents et promoteurs) ;
- Le secteur des paris et des jeux ;
- Le secteur de l’art et du luxe (marchands d’art et d’antiquité, négociants de métaux précieux et de pierres précieuses, négociants d’autres produits de luxe) ;
- Les sociétés de domiciliation ;
- Les agents sportifs.
Quels sont les textes de référence?
L’efficacité de la lutte contre le blanchiment de capitaux repose, au sein d’une économie globalisée, sur l’élaboration et le respect de réglementations et de standards à trois niveaux : national, européen et international.
- Au niveau international :
- Au niveau européen :
- la 6e directive anti-blanchiment 2024/1640 (« AMLD6 ») qui traite notamment de l’identification des bénéficiaires effectifs (BE), de la création des registres centralisés, de l’harmonisation et de la convergence des pratiques des autorités nationales, du renforcement de la coopération entre les cellules de renseignements financiers (CRF) ;
- un règlement « Single Rulebook » 2024/1624 (« AMLR ») qui traite notamment de l’extension du périmètre d’application de la LCB-FT et des informations à collecter, de l’obligation de vigilance et de l’approche par les risques, de l’organisation de la fonction conformité, de la détermination des BE ;
- un règlement 2024/1620 créant la nouvelle Autorité européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux (« AMLA ») qui aura son siège à Francfort. Ce règlement prévoit une supervision duale des assujettis du secteur financier avec une supervision directe et indirecte du secteur financier par l’AMLA, notamment des entités présentant un risque élevé.
- Orientations EBA/GL/2023/04 : sur les politiques et contrôles visant à la gestion efficace des risques de blanchiment de capitaux lors de la fourniture d’un accès à des services financiers ;
- Orientations EBA/GL/2024/11 : sur les exigences en matière d’information concernant les transferts de fonds et certains transferts de crypto-actifs au titre du règlement TFR.
- Au niveau national :
- Les dispositions du Code monétaire et financier et arrêtés relatif à la LCB-FT ;
- Les orientations, instructions, positions et lignes directrices des autorités de supervision du secteur financier et non financier ;
- Le rapport de la Cellule de Renseignement Financier (CRF) de TRACFIN. Dans son bilan annuel 2023, la CRF constate une :
- Augmentation notable des déclarations de soupçon liées aux crypto-actifs (186 000 déclarations en 2023 contre 162 000 en 2022) ;
- Recrudescence de l’utilisation des crypto-actifs pour le blanchiment de capitaux issus d’activités criminelles (attaques par rançongiciel, circuits de fraude fiscale et de financement du terrorisme) ;
- Diversification des méthodes employées : utilisation de jetons non fongibles (NFT) et de plateformes décentralisées pour dissimuler l’origine des fonds ;
- L’analyse nationale des risques du Conseil d’orientation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (« COLB », l’instance de coordination du dispositif national de LCB-FT) et les analyses sectorielles des risques de l’AMF et de l’ACPR qui identifient les principales menaces, les vulnérabilités, les mesures d’atténuation et le niveau de risque qui en découle pour chaque vecteur significatif du blanchiment de capitaux en France.
Quelles sont les autorités compétentes?
Pour le secteur financier :
- ACPR est l’autorité de supervision des établissements de crédit, PSI, EME, EP, changeurs manuels, assureurs et courtiers.
- AMF est l’autorité compétente des SGP, PSAN, CIF, PSFP.
- La Financial Conduct Authority (FCA) au Royaume Uni (sanction de Metro Bank PLC en novembre 2024 d’une amende de 17 millions de £ pour un dispositif de LCB-FT défaillant) ;
- La BAFIN en Allemagne (sanction de N26 en mai 2024 d’une amende de 9,2 millions d’euros pour des retards de signalement de soupçon de blanchiment) ;
- La Commission de Surveillance du Secteur Financier (CSSF) au Luxembourg (sanction de BGL BNP Paribas S.A en mai 2024 d’une amende de 3 millions d’euros pour non-respect de ces obligations professionnelles en matière de LCB-FT) ;
- La Securities and Exchange Commission (SEC) aux Etats-Unis.
Quelles sont les dernières décisions judiciaires importantes en manière de lutte contre le blanchiment ?
Cour de cassation, chambre commerciale, 27 septembre 2023, 21-21.995 : « Le non-respect des règles LCB-FT peut être constitutif d'une faute de concurrence déloyale ». Cour de Cassation, chambre Criminelle, 19 juin 2024, n°22-81.808 : « La mise à disposition d’un compte bancaire dans l’un de ses établissements et l’exécution d’ordres de virement des sommes y figurant vers des comptes à l’étranger sont susceptibles de caractériser la participation de la banque à des opérations de blanchiment », lorsque cette dernière ne pouvait ignorer l’origine illicite des fonds et avait manqué à ces obligations de vigilance.
Sur quels éléments doit reposer un dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux efficace et adapté aux spécificités de l’activité ?
- La politique d'identification et de vérification de l’identité des clients (KYC) mettant en œuvre une approche basée sur le risque ;
- La surveillance des transactions et la déclaration des transactions et activités suspectes à la CRF (TRACFIN en France) ;
- La formation et la sensibilisation des collaborateurs ;
- La coopération, l’échange et le partage des informations ;
- La mise en œuvre des mesures de gel des avoirs ;
- Un dispositif de gouvernance ainsi qu’un dispositif de contrôle interne décomposé en trois niveaux de contrôle ;
- Une cartographie des risques et une classification des risques LCB-FT en fonction de la nature des produits ou des services offerts, des conditions de transaction proposées, des canaux de distribution utilisés, des caractéristiques des clients, ainsi que du pays ou du territoire d’origine ou de destination des fonds.
Comment la digitalisation et l’intelligence artificielle peuvent améliorer la lutte contre le blanchiment de capitaux ?
Face à l’évolution de la criminalité financière, les assujettis aux obligations de LCB-FT doivent s’efforcer de renforcer et d’affiner leur approche de la lutte contre le blanchiment fondée sur le risque. Les conséquents volumes de données à traiter ainsi que la complexité croissante des modes opératoires criminels obligent ces assujettis et notamment les établissements financiers, à développer de nouveaux outils plus sophistiqués pour satisfaire à leurs obligations de conformité. L’intelligence artificielle et les outils d’automatisation des contrôles s’imposent comme un levier clé dans le paysage de la conformité pour améliorer l’efficacité de la LCB-FT.
Quels sont les points communs avec la lutte contre la corruption ?
La lutte contre la corruption, dont les principales exigences ont été édictées par la loi Sapin 2 et la LCB-FT poursuivent des objectifs distincts, mais reposent sur des outils similaires. Les deux cadres réglementaires mettent l'accent sur la nécessité de mettre en place une cartographie des risques, un contrôle interne, des mécanismes de détection et de signalement des comportements illicites, ainsi que sur la formation continue des employés pour garantir une vigilance accrue. Ces dispositifs partagent une approche préventive, fondée sur la transparence des flux financiers et l'analyse des transactions suspectes, afin de limiter aussi bien les détournements de fonds que leur réinjection dans l'économie légale.En conclusion, il serait pertinent d’adopter une approche holistique des sujets de conformité financière, qu’il s’agisse de la LCB-FT et de la lutte contre la corruption mais également du devoir de vigilance, de la cyber-résilience, du respect des exigences du RGPD et de la protection des lanceurs d’alerte. Face à des menaces interconnectées où les criminels peuvent exploiter les failles entre ces différents domaines, il est essentiel de mutualiser les outils et les analyses. Adopter une approche plus globale et transversale permettra de déployer de manière optimale les principes et règles définis dans ces domaines.