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LCB-FT : Un impératif renforcé pour l'intégrité financière

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LCB-FT : Un impératif renforcé pour l'intégrité financière

La lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) est une priorité nationale portée par les menaces que représentent les réseaux de criminalité organisée, les fortes attentes exprimées par la société face à la délinquance économique et la nécessité de préserver l’intégrité du système financier. 

La lutte contre le blanchiment est traversée par une dynamique constante. En effet, elle repose sur un cadre en perpétuelle évolution afin de s’adapter en permanence aux nouvelles menaces et aux nouvelles stratégies des organisations criminelles ou des individus tentant de contourner la loi. 

  • Publié le 28 Février 2025
  • Temps de lecture 14 minutes

Qui sont les professionnels assujettis ?

Les professionnels du secteur financier qui concentre l’essentiel des risques de blanchiment de capitaux : 
  • Le secteur bancaire (établissements de crédit, prestataires de services d’investissement « PSI ») ; 
  • Le secteur de l’assurance (organismes d’assurance, institutions de prévoyance et de retraite, mutuelles, courtiers) ; 
  • Le secteur des paiements (établissements de paiement (« EP ») et de monnaie électronique (« EME »), changeurs manuels) ; 
  • Le secteur de la finance (sociétés de gestion, prestataire de services sur actifs numériques « PSAN », conseillers en investissements financiers « CIF »).
Le secteur non financier qui peut également être instrumentalisé à des fins de blanchiment de capitaux : 
  • Les professionnels du droit (avocats, notaires, commissaires de justice, administrateurs et mandataires judiciaires) ; 
  • Les professionnels du chiffre (experts-comptables, commissaires aux comptes) ; 
  • Les professionnels de l’immobilier (agents et promoteurs) ;
  • Le secteur des paris et des jeux ; 
  • Le secteur de l’art et du luxe (marchands d’art et d’antiquité, négociants de métaux précieux et de pierres précieuses, négociants d’autres produits de luxe) ;
  • Les sociétés de domiciliation ; 
  • Les agents sportifs.                                                                     
Et à partir de 2027 : les prestataires de services de financement participatif (« PSFP »), les clubs de football professionnels et agents de football, les opérateurs de visas « dorés ». 

Quels sont les textes de référence?

L’efficacité de la lutte contre le blanchiment de capitaux repose, au sein d’une économie globalisée, sur l’élaboration et le respect de réglementations et de standards à trois niveaux : national, européen et international.
  • Au niveau international : 
Le Groupe d’action financière (GAFI) est un organisme intergouvernemental indépendant dont la mission consiste à élaborer et promouvoir des stratégies de LCB-FT. Les 40 recommandations du GAFI ainsi que ses nombreux rapports se sont imposés comme des normes internationales en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux. Le GAFI a actualisé en octobre 2024 sa liste grise des juridictions ayant un dispositif de LCB-FT considéré comme défaillant (retrait du Sénégal ; intégration de l’Algérie, de l’Angola, de la Côte d’Ivoire et du Liban). La liste grise du GAFI ainsi que sa liste noire doivent être pris en compte pour l’évaluation et l’attribution d’un niveau de risque à un client ou une opération. Le GAFI a par ailleurs réitéré l’importance de la LCB-FT et a renforcé ces positions en 2024, notamment s’agissant de l’utilisation des nouvelles technologies, considérée à la fois comme un atout et un défi pour la lutte contre le blanchiment. 
  • Au niveau européen : 
    • la 6e directive anti-blanchiment 2024/1640 (« AMLD6 ») qui traite notamment de l’identification des bénéficiaires effectifs (BE), de la création des registres centralisés, de l’harmonisation et de la convergence des pratiques des autorités nationales, du renforcement de la coopération entre les cellules de renseignements financiers (CRF) ; 
L’Union européenne (UE) a adopté en 2024 un nouveau « paquet LCB-FT » composé de trois textes qui entreront en application en juillet 2027 :  
  • un règlement « Single Rulebook » 2024/1624 (« AMLR ») qui traite notamment de l’extension du périmètre d’application de la LCB-FT et des informations à collecter, de l’obligation de vigilance et de l’approche par les risques, de l’organisation de la fonction conformité, de la détermination des BE ; 
  • un règlement 2024/1620 créant la nouvelle Autorité européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux (« AMLA ») qui aura son siège à Francfort. Ce règlement prévoit une supervision duale des assujettis du secteur financier avec une supervision directe et indirecte du secteur financier par l’AMLA, notamment des entités présentant un risque élevé. 
L’UE a également récemment mis à jour le règlement sur les transferts de fonds 2023/1113 (« TFR »), publié le même jour que le règlement MICA en 2023, dont l’objectif est d’assurer la traçabilité des transferts de cryptoactifs dans le cadre de la lutte contre le blanchiment. Les assujettis aux obligations de LCB-FT doivent enfin mettre en œuvre des mesures d’application de niveau 2 (règlements délégués) et 3 (orientations, lignes directrices des autorités européennes et notamment de l’Autorité bancaire européenne (European Banking Authority (« EBA[AG1]  »), l’autorité européenne de supervision du secteur bancaire) : 
  • Orientations EBA/GL/2023/04 : sur les politiques et contrôles visant à la gestion efficace des risques de blanchiment de capitaux lors de la fourniture d’un accès à des services financiers ; 
  • Orientations EBA/GL/2024/11 : sur les exigences en matière d’information concernant les transferts de fonds et certains transferts de crypto-actifs au titre du règlement TFR. 
  • Au niveau national : 
Les règlementations et textes à prendre en compte dans le cadre du dispositif de LCB-FT sont les suivants : 
  • Les dispositions du Code monétaire et financier et arrêtés relatif à la LCB-FT ; 
  • Les orientations, instructions, positions et lignes directrices des autorités de supervision du secteur financier et non financier ; 
  • Le rapport de la Cellule de Renseignement Financier (CRF) de TRACFIN. Dans son bilan annuel 2023, la CRF constate une :
  • Augmentation notable des déclarations de soupçon liées aux crypto-actifs (186 000 déclarations en 2023 contre 162 000 en 2022) ; 
  • Recrudescence de l’utilisation des crypto-actifs pour le blanchiment de capitaux issus d’activités criminelles (attaques par rançongiciel, circuits de fraude fiscale et de financement du terrorisme) ; 
  • Diversification des méthodes employées : utilisation de jetons non fongibles (NFT) et de plateformes décentralisées pour dissimuler l’origine des fonds ; 
  • L’analyse nationale des risques du Conseil d’orientation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (« COLB », l’instance de coordination du dispositif national de LCB-FT) et les analyses sectorielles des risques de l’AMF et de l’ACPR qui identifient les principales menaces, les vulnérabilités, les mesures d’atténuation et le niveau de risque qui en découle pour chaque vecteur significatif du blanchiment de capitaux en France.
Ces rapports précisent que « le recours aux montages financiers complexes, l’essor des actifs numériques, du financement participatif ainsi que les opérations impliquant l’usage d’espèces (transmission de fonds, instruments de monnaie électronique) » constituent des risques très élevés. De même, « le secteur immobilier du fait de son poids dans l’économie, de son attractivité et de son dynamisme de même que celui des agents sportifs » ont été considérés comme présentant un risque élevé. [AG1]définir

Quelles sont les autorités compétentes?

Pour le secteur financier : 
  • ACPR est l’autorité de supervision des établissements de crédit, PSI, EME, EP, changeurs manuels, assureurs et courtiers.  
En 2024, l’ACPR a infligé des amendes de 1 million d'euros à l'établissement de monnaie électronique TREEZOR et de 2,5 millions d'euros à la banque BRED. Les principaux motifs de ces sanctions sont notamment une insuffisance dans le dispositif de LCB-FT, des manquements dans l’entrée en relation, le non-respect des obligations de vigilance et de contrôle, des défaillances s’agissant des obligations déclaratives. 
  • AMF est l’autorité compétente des SGP, PSAN, CIF, PSFP. 
En 2024, l’AMF a prononcé plusieurs sanctions contre des SGP et d’autres institutions financières pour un montant de 300 000 euros, 150 000 euros et 5,67 millions d’euros ainsi que contre leurs dirigeants. Les principaux motifs de ces sanctions sont notamment des insuffisances dans le dispositif LCB-FT, un défaut de contrôle et le non-respect des obligations de vigilance. Pour le secteur non financier : Les principales autorités de supervision sont la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (« DGCCRF ») (pour les agents et promoteurs immobiliers, les sociétés de domiciliation, les professionnels du secteur du luxe), les douanes (pour les marchands d’art et d’antiquités, les maisons de ventes volontaires aux enchères publiques, les négociants de métaux précieux et de pierres précieuses) et l’Autorité Nationale des Jeux (« ANJ ») (pour les opérateurs de jeux ou de paris en ligne).  La Commission nationale des sanctions (« CNS ») est chargée de sanctionner les manquements commis par ces professionnels. En 2024 la CNS a prononcé 13 décisions contre les sociétés de domiciliation, 1 contre un bijoutier et 24 contre des intermédiaires en immobilier. Elle a notamment prononcé une sanction de 50 000 euros d’amende et 1 an d’interdiction d’exercer contre la SOCIÉTÉ MERIBEL LUXURY REALTY pour des défaillances en matière de LCB-FT. Et à l’échelle internationale ? 
  • La Financial Conduct Authority (FCA) au Royaume Uni (sanction de Metro Bank PLC en novembre 2024 d’une amende de 17 millions de £ pour un dispositif de LCB-FT défaillant) ;
  • La BAFIN en Allemagne (sanction de N26 en mai 2024 d’une amende de 9,2 millions d’euros pour des retards de signalement de soupçon de blanchiment) ; 
  • La Commission de Surveillance du Secteur Financier (CSSF) au Luxembourg (sanction de BGL BNP Paribas S.A en mai 2024 d’une amende de 3 millions d’euros pour non-respect de ces obligations professionnelles en matière de LCB-FT) ; 
  • La Securities and Exchange Commission (SEC) aux Etats-Unis.  

Quelles sont les dernières décisions judiciaires importantes en manière de lutte contre le blanchiment ?

Cour de cassation, chambre commerciale, 27 septembre 2023, 21-21.995 : « Le non-respect des règles LCB-FT peut être constitutif d'une faute de concurrence déloyale ». Cour de Cassation, chambre Criminelle, 19 juin 2024, n°22-81.808 : « La mise à disposition d’un compte bancaire dans l’un de ses établissements et l’exécution d’ordres de virement des sommes y figurant vers des comptes à l’étranger sont susceptibles de caractériser la participation de la banque à des opérations de blanchiment », lorsque cette dernière ne pouvait ignorer l’origine illicite des fonds et avait manqué à ces obligations de vigilance.

Sur quels éléments doit reposer un dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux efficace et adapté aux spécificités de l’activité ?

  • La politique d'identification et de vérification de l’identité des clients (KYC) mettant en œuvre une approche basée sur le risque ;
  • La surveillance des transactions et la déclaration des transactions et activités suspectes à la CRF (TRACFIN en France) ;
  • La formation et la sensibilisation des collaborateurs ;
  • La coopération, l’échange et le partage des informations ; 
  • La mise en œuvre des mesures de gel des avoirs ; 
  • Un dispositif de gouvernance ainsi qu’un dispositif de contrôle interne décomposé en trois niveaux de contrôle ; 
  • Une cartographie des risques et une classification des risques LCB-FT en fonction de la nature des produits ou des services offerts, des conditions de transaction proposées, des canaux de distribution utilisés, des caractéristiques des clients, ainsi que du pays ou du territoire d’origine ou de destination des fonds. 

Comment la digitalisation et l’intelligence artificielle peuvent améliorer la lutte contre le blanchiment de capitaux ?

Face à l’évolution de la criminalité financière, les assujettis aux obligations de LCB-FT doivent s’efforcer de renforcer et d’affiner leur approche de la lutte contre le blanchiment fondée sur le risque. Les conséquents volumes de données à traiter ainsi que la complexité croissante des modes opératoires criminels obligent ces assujettis et notamment les établissements financiers, à développer de nouveaux outils plus sophistiqués pour satisfaire à leurs obligations de conformité. L’intelligence artificielle et les outils d’automatisation des contrôles s’imposent comme un levier clé dans le paysage de la conformité pour améliorer l’efficacité de la LCB-FT. 

Quels sont les points communs avec la lutte contre la corruption ?

La lutte contre la corruption, dont les principales exigences ont été édictées par la loi Sapin 2 et la LCB-FT poursuivent des objectifs distincts, mais reposent sur des outils similaires. Les deux cadres réglementaires mettent l'accent sur la nécessité de mettre en place une cartographie des risques, un contrôle interne, des mécanismes de détection et de signalement des comportements illicites, ainsi que sur la formation continue des employés pour garantir une vigilance accrue. Ces dispositifs partagent une approche préventive, fondée sur la transparence des flux financiers et l'analyse des transactions suspectes, afin de limiter aussi bien les détournements de fonds que leur réinjection dans l'économie légale.En conclusion, il serait pertinent d’adopter une approche holistique des sujets de conformité financière, qu’il s’agisse de la LCB-FT et de la lutte contre la corruption mais également du devoir de vigilance, de la cyber-résilience, du respect des exigences du RGPD et de la protection des lanceurs d’alerte. Face à des menaces interconnectées où les criminels peuvent exploiter les failles entre ces différents domaines, il est essentiel de mutualiser les outils et les analyses. Adopter une approche plus globale et transversale permettra de déployer de manière optimale les principes et règles définis dans ces domaines.

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